[review comics] 52

52_20200108.jpgDans quel format je lis ça : En pleine ère moderne chez DC Comics, cette série au nom sobre et intrigant est parue aux États-Unis au rythme ambitieux d’un numéro par semaine pendant une période d’un an, de mai 2006 à mai 2007. J’ai opté personnellement pour les magazines VF intitulés Infinite Crisis : 52 sortis à l’époque par Panini Comics en 13 numéros compilant chacun 4 épisodes US. Dernièrement, Urban Comics a réédité le tout en 4 albums. La série est agrémentée de back-ups, ces courts récits de complément en fin de numéro, consacrés tout d’abord à l’Histoire de l’Univers DC, puis aux origines de ses principaux personnages.

Des prérequis ? 52 propose de mettre en lumière les événements qui se sont déroulés entre le colossal crossover Infinite Crisis et la période intitulée One Year Later, à l’issue de laquelle plusieurs séries sont reparties au #1, menant bientôt à l’épique Final Crisis. La lecture préalable de la Crise infinie permet donc d’appréhender le nouveau statu-quo au début de ces 52 semaines, avec notamment la disparition mystérieuse de la trinité Wonder Woman – BatmanSuperman. Par ailleurs, toute une partie de l’intrigue focalisant sur le destin tragique de l’homme élastique Ralph Dibny, il semble opportun de mettre Crise d’identité dans sa pile à lire avant de se lancer.

Le pitch : À peine remis des événements qui ont déferlé sur l’univers DC dans les récits précités, on suit le destin croisé de plusieurs individus qui tentent de faire face au quotidien, alors que les principaux super-héros manquent à l’appel. On rencontre notamment, tous azimuts  :

  • Ralph Dibny, au bord du suicide après avoir tout perdu ;
  • Renée Montoya, l’ex-flic incorruptible de Gotham, qui va croiser la route de l’énigmatique Question ;
  • John Henry Irons sous l’armure de Steel, l’un des prétendants au titre d’homme d’acier suite à La mort de Superman, mais cette fois-ci aux prises avec le désir d’indépendance et de reconnaissance de sa nièce Natasha ;
  • Booster Gold, le loser venant du futur, prêt à tout pour être reconnu comme un véritable super-héros ;
  • Black Adam, pendant maléfique de Shazam, qui il règne d’une main de fer sur le  Kahndaq, petit pays du Moyen-Orient.

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Ce que j’en ai pensé : Ce n’est un secret pour personne, la firme DC est obnubilée par le nombre 52. L’exemple le plus marquant dans les comics est la récente période éditoriale intitulée New 52, correspondant à la quantité de séries redémarrées au #1 et à leur nombre maximum d’épisodes. On peut parler aussi d’autres médias qui placent le 52 à toutes les sauces en easter eggs, comme dans les séries CW (un numéro de chaîne de télévision par ci, celui d’une division de police par là) ou même au cinéma dans Batman v Superman.

Et bien il s’avère que cette obsession prend sa source dans l’event 52, ce nombre faisant tout d’abord écho à son format de publication. Ses événements se déroulent effectivement en temps réel, chaque épisode correspondant à une semaine écoulée dans l’univers DC. Nous avons donc à faire à une oeuvre au concept plutôt casse-gueule de prime abord, mais le défi a été relevé et le contrat rempli haut la main, tant ces pages regorgent de qualités. Agencé comme une série télé moderne, avec sa façon de suivre tour à tour chaque personnage dans ses propres pérégrinations, le comics fonctionne à la manière d’un véritable thriller à multiples enquêtes, dont on attend impatiemment le croisement pour dévoiler le fond de l’intrigue.

Il faut dire que le scénario n’a pas été confié à des lapins de deux semaines (copyright expression de daron). C’est même un casting étoilé que l’on retrouve au script, avec pas moins de quatre auteurs parmi les plus capés du circuit : Geoff Johns (Flashpoint, Green Lantern…), Grant Morrison (JLA, New X-Men…), Greg Rucka (Wonder Woman, Gotham Central…) et Mark Waid (Flash, Kingdom Come…). Le petit jeu est d’ailleurs de tenter de retrouver qui a écrit quel segment de l’histoire. Pour les plus impatients d’entre vous ou ceux qui souhaitent vérifier leur capacité à reconnaître la plume de tel ou tel auteur, je vous invite à lire l’analyse détaillée full spoiler dans la section Pour la petite histoire à la fin de cet article.

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Tout ce beau monde est coordonné par l’architecte Keith Giffen (Legion of Super-Heroes, Justice League International…) en charge de la mise en page et d’une partie des dessins, entouré d’une pléiade d’autres artistes de talent, tels que Joe Bennett (Amazing Spider-Man, Thor…) ou Darick Robertson (The Boys, Transmetropolitan…) pour ne citer qu’eux.

L’identité visuelle forte de la série nous plonge immédiatement dans l’ambiance. Tout d’abord grâce aux couvertures, de véritables œuvres d’art confiées au dessinateur J.G. Jones (Final Crisis, Wanted…) et au coloriste Alex Sinclair (Blackest Night, Batman and Robin…). L’unité de la série est accentuée par les bandeaux de crédit avec un format facilement reconnaissable pour démarrer chaque épisode et la fameuse accroche « DC Comics présente… ». Ensuite, l’indication du numéro de semaine et du jour – façon journal de bord en début de chaque séquence – permet de se situer parfaitement dans le temps, un must pour les tarés de la continuité comme votre serviteur.

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Par ailleurs, le bandeau final avec visuels de l’épisode suivant joue bien son rôle de teaser, donnant très envie de savoir ce qui va arriver aux personnages. Car c’est la force de la série : ses protagonistes et leur caractérisation. Ces tranches de vie révèlent des trajectoires hors du commun pour des individus habituellement considérés comme secondaires. On s’attache énormément à chacun d’entre eux, même à Black Adam, le dictateur surpuissant pour lequel les auteurs arrivent à faire ressentir de l’empathie, en le plaçant à la tête d’une véritable famille. Idem concernant l’incapable Booster Gold que l’on adore détester.

Les twists scénaristiques vont bon train tout au long des 52 semaines, dévoilant des destins souvent tragiques, mais servant toujours des enjeux plus grands que ce qu’ils laissent paraître, des bas-fonds urbains à l’espace inter-sidéral, en passant par l’univers magique de DC. Des machinations complexes seront révélées, rappelant à notre bon souvenir des personnages oubliés de la franchise à deux lettres. Enfin, les répercussions seront souvent significatives, comme celles relatives à Booster Gold, avec des conséquences à l’échelle de tout l’univers DC. Et que dire du final bouleversant des arcs concernant Dibny, Montoya / La Question et surtout Black Adam. Les semaines #43 et 44 m’ont d’ailleurs secoué comme rarement à la lecture d’un comics.

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Pour résumer, 52 fait partie de ces lectures dont je n’attendais rien, mais qui m’a tout absolument soufflé. Un comics intelligent et plein de séquences émotion sans jamais sombrer dans le pathos, à conseiller à tous les amoureux de DC. Et les autres aussi.

 

Ma note :  5

 

Je lis ça en écoutant : L’album 52 Weeks (forcément) du one-man band emo/folk/punk Into It. Over It., avec le morceau Wearing White, présenté ici dans sa version Life is Suffering.

 

Pour la petite histoire : Chose promise, chose due, vous trouverez ci-dessous les auteurs des principaux arcs narratifs ou détails scénaristiques significatifs, d’après les informations glanées ça et là dans les éditos des kiosques et albums.

 

!!! Alerte spoiler !!!

 

On doit à Geoff Johns :

  • l’essentiel des histoires relatives à Booster Gold et à Black Adam, ce qui paraît logique vu le travail passé du scénariste sur la JSA et la Famille Marvel ;
  • le Culte de Conner dans l’intrigue concernant Dibny ;
  • le retour des terres parallèles nées lors du big bang d’Infinite Crisis.

 

Mark Waid est à l’origine de :

  • la majorité des séquences concernant Ralph Dibny, démontrant la maîtrise des arcanes de l’univers DC par le scénariste ;
  • la confrontation de Dibny avec Booster Gold (semaine #7) ;
  • l’apparition de Green Arrow (semaine #8).
  • le patchwork de Sue Dibny lors de la séance du Culte de Conner (semaine #13) ;
  • l’altération des courants temporels des différentes terres du Multivers lors de la bataille contre Mr. Mind (semaine #52).

 

Grant Morrison a imaginé :

  • les segments sur Animal Man, Adam Strange et Starfire alors qu’ils sont perdus dans l’espace. L’auteur a ainsi poursuivi son travail déjà réalisé sur la série Animal Man. Au passage, force de constater que Strange reviendra sur le devant de la scène en 2020 sous la plume de Tom King ;
  • le dialogue de Halo (semaine #4) ;
  • les passages concernant Dibny sur les thèmes de la foi et de la spiritualité (semaine #32), Morrison étant plus enclin que Waid à aborder ces sujets ;
  • Mr. Mind planqué à l’intérieur de Skeets (semaine #51).

 

Greg Rucka a signé :

  • les récits portant sur Renée Montoya, Charlie / La Question et Kate Kane / Batwoman. Là aussi, assez cohérent vu le taf du gars sur Detective Comics et Gotham Central ;
  • la punchline de Dibny à Booster « pourquoi ne m’as tu pas prévenu que ma femme allait mourir ?! » (semaine #7) ;
  • l’incursion de Diana – sans son costume de Wonder Woman – à Nanda Parbat (semaine #41) ;
  • le pétage de câble de Veronica Cale défiant Black Adam (semaine #46).
  • la révision et correction de toutes les trouvailles du dénouement, faisant du final un véritable travail d’équipe. Rucka aurait souvent joué le rôle de baromètre dans le collectif d’auteur pour leur ramener les pieds sur terre quand ils partaient en vrille (d’après les propres dires de Waid).

 

À noter également :

  • Keith Giffen plaide coupable pour les costumes d’Infinity Inc (semaine #9). Il a retravaillé la scène de fin concernant Dibny (semaine #42) à la demande de Dan DiDio, rédacteur en chef chez DC ;
  • Les mots prononcés par Charlie quand il délire, conséquence de son cancer (semaine #33) font écho au texte de Denny O’Neal dans sa série The Question écrite à la fin des années 80 ;
  • Alex Ross signe le design de Batwoman.