[review comics] Infinite Crisis

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Dans quel format je lis ça : Attention, on a affaire ici à un véritable événement dans la pure tradition des grandes crises DC ! Sa parution US s’est étendue sur plus d’une année, de mai 2005 à juin 2006, et se compose d’une mini-série principale, de plusieurs arcs annexes, ainsi que d’une ribambelle de tie-ins et one-shotsPour le lecteur VF, il y a plusieurs possibilités, de la très simple ou la plus compliquée.

La solution la plus facile, mais aussi la plus économique si vous n’êtes pas allergiques à la BD d’occasion, c’est de se procurer l’album Infinite Crisis dans lequel Panini avait regroupé les 7 épisodes de la mini-série principale. À noter qu’au préalable, l’éditeur les avait publiés – agrémentés du one-shot Infinite Crisis Secret Files – dans les kiosques Batman/Superman #8 à 11.

Le choix intermédiaire en terme de lecture, mais probablement le moins regardant côté porte-monnaie, consiste à se procurer les 5 tomes édités chez Urban Comics regroupant eux aussi les #1 à 7 de la mini-série Infinite Crisis, avec nombre de récits annexes plus ou moins importants. À noter que les 5 albums ont également été publiés par Eaglemoss dans le cadre de leur offre par abonnement.

L’option la moins évidente consiste à compiler les kiosques et big books sortis à l’époque par Panini. Pour ceux qui me connaissent un peu, vous vous doutez que c’est cette alternative que j’ai choisie. Outre la série principale parue dans les albums ou kiosques cités plus haut, ça donne un patchwork assez original :

  • Les kiosques Batman/Superman #5 à 7 contenant le prélude Countdown to Infinite Crisis puis la mini-série OMAC Project en 6 issues ;
  • Les big books Infinite Crisis vol. 1 & 2 – Prélude  comportant les mini-séries annexes Villains UnitedDay of VengeanceRann/Thanagar War et JSA Classified. Toutes sont en 6 numéros, à l’exception de la dernière, en 4 ;
  • Le big book Infinite Crisis vol. 3 – Spécial livrant les épisodes #28 à 33 d’Outsiders (v3) non réédités en VF par la suite, ainsi que les numéros spéciaux qui complètent les 4 fameux arcs narratifs parallèles.

Il y a en réalité plein d’autres tie-ins parus ça et là dans les kiosques Panini, mais je vous fais grâce de la liste complète pour éviter que cette review ne soit trop indigeste (déjà que…). Personnellement, j‘ai limité mon choix aux 3 kiosques suivants :

  • Superman #15 qui présente le crossover Sacrifice qui s’étend un épisode de chacune des 3 séries alors dédiées à l’Homme d’acier + Wonder Woman (v2) #219. Attention, celui-ci est à lire absolument avant l’épisode OMAC Project #6 ;
  • DC Universe Hors-Série #3 – Le retour de Donna Troy dédié à la mini-série DC Special: The Return of Donna Troy en 4 épisodes ;
  • DC Universe Hors-Série #4 – Le Corps des Green Lantern : Recharge avec l’intégralité de la mini-série du même nom (5 numéros).

 

Des prérequis ? Les événement d’Infinite Crisis se déroulent directement à la suite de Crise d’identité, c’est donc LA lecture indispensable avant de se lancer. Pour les complétistes, j’ajouterais Crisis on Infinite Earths qui permet de mieux comprendre le concept du Multivers et l’introduction de certains personnages principaux de ce nouvel event.

 

Le pitch : Alors que la communauté super-héroïque se remet difficilement de l’assassinat de la femme de l’Homme élastique et des révélations internes à la Ligue de Justice lors de la Crise d’identité, la confiance entre ses membres est au plus bas. Blue Beetle mène une enquête liée à la disparition de kryptonite dans l’un de ses entrepôts. Alors que les membres de Ligue ne le prennent pas vraiment au sérieux, sa route va bientôt croiser celle de l’organisation Checkmate et révéler une conspiration aux multiples enjeux…

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Ce que j’en ai pensé : Le récit débute sur les chapeaux de roues dans Countdown to Infinite Crisis. L’investigation de Ted Kord, alors sous le masque de Blue Beetle, s’avère passionnante, notamment par sa façon de mettre en lumière les relations du personnage avec les autres super-héros. Continuellement relégué au second plan, ses qualités de détective lui font pourtant entrevoir ce que personne ne voyait se présager. Il faut dire que ce prologue a été écrit par 3 fameux auteurs : Geoff Johns, Greg Rucka et Judd Winick. Les dessins, sublimes, sont confiés à un collectif de 5 artistes (!) : Rags Morales, Ed Benes, Jesus Saiz, Ivan Reis ou encore Phil Jimenez. Chacun d’entre eux est responsable d’un chapitre de l’histoire, sans que cela gêne la fluidité de lecture.

L’intrigue se poursuit dans l’arc OMAC Project et ne baisse pas en intensité, sous la plume de Greg Rucka (Gotham Central, Wonder Woman…). Comme souvent dans les récits de la Justice League, la paranoïa de Batman est mise au premier plan (coucou La Tour de Babel). Ce sentiment exacerbé par les révélations de la Crise d’identité occasionne l’émergence d’une nouvelle menace à l’échelle planétaire. Et ce sont encore des personnages secondaires qui vont jouer les premiers rôles dans l’intrigue, notamment Sasha Bordeaux, l’ex-garde du corps de Bruce Wayne dans Meurtrier et Fugitif, et Maxwell Lord, le puissant télépathe connu à l’époque comme le mécène de la Ligue de Justice. Pas moins de 3 dessinateurs (Jesus SaizCliff Richards et Bob Wiacek) subliment cette nouvelle version de l’OMAC, créé en 1974 par Jack Kirby et que l’on a revu récemment dans Detective Comics Rebirth.

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Premier récit parallèle, Villains United met en valeur une équipe de « super-vilains ». Je mets des guillemets, car il s’agit en réalité des Secret Six (Catman, Deadshot, Cheshire…) dont le positionnement  par rapport au bien et au mal reste ambigu, à l’image de la Suicide Squad.  Dans cet arc, les Six sont d’ailleurs opposés à une autre team de méchants, la Société Secrète des Super-Vilains (Deathstroke, Black Adam, Talia al Ghul…) menée par Lex Luthor. Contre toute attente, j’ai vraiment apprécié cet histoire. Le développement du personnage de Catman notamment, est vraiment digne d’intérêt, son opposition avec Deadshot tout autant. On le doit à la talentueuse Gail Simone (Birds of Prey, Wonder Woman…) qui tient de stylo. Les artistes Dale Englesham et Val Semeiks sont moins célèbres, mais proposent des planches de qualité.

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Day of Vengeance, la seconde série limitée amenant à Infinite Crisis, se déroule dans le cadre de l’univers magique de DC sous la plume de Bill Willingham (Fables, Robin…). L’équipe du Shadowpact y est confrontée au Spectre, l’entité de la mort désormais sans hôte depuis Le retour d’Hal Jordan (un de mes récits préférés de tous les temps, que je vous invite vivement à découvrir si ce n’est déjà fait). Comme pour les autres arcs annexes, les héros sont des personnages secondaires, le Shadowpact étant constitué, entre autres, du futé Detective Chimp, de Ragman ou encore l’Enchanteresse. Et ça fonctionne bien. Au-delà d’une bonne utilisation de tous les éléments propres à la communauté magique (le Bar de l’Oubli, le casque de Doctor Fate…), l’auteur nous régale en tissant des relations complexes entre ces personnages obscurs, sous le trait subtil de Justiniano (JLA, Beast Boy…). Ce qui fait de cette histoire ma favorite parmi tous les récits annexes.

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Dernière parenthèse scénaristique importante, Rann-Thanagar War met aux prises les Ranniens dont la planète a été téléportée dans l’orbite de Thanagar, générant une vague migratoire sans précédent. Alors que les relations entre migrants et autochtones s’enveniment, Adam Strange, le héros de Rann (encore un second couteau de chez DC !) se rend sur Terre pour retrouver Hawkman et Hawkgirl qui tirent leurs pouvoirs du métal-N originaire de Thanagar, afin de mettre fin au conflit.  Le récit verra aussi l’intervention de Kyle Rayner, le quatrième Green Lantern de la Terre allant à l’encontre de l’avis des Gardiens d’Oa. Bien que l’on entende parler de cette guerre dans toutes les autres séries, c’est probablement l’arc narratif que j’ai trouvé le plus faible. Pourtant Dave Gibbons (dessinateur de Watchmen, ici au scénario) et Ivan Reis (artiste sur Justice League, Green Lantern…) ne sont pas des bleus. Le contexte politique reste assez complexe, notamment avec les nombreux peuples aliens mis en lumière, comme les Khunds vus par ailleurs dans les séries Green Lantern, les Tamaranéens dont Starfire des Teen Titans est  la digne représentante, ou encore les Coluans comme Brainiac,  le célèbre ennemi de Superman.

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Je ne reviendrai pas sur les tie-ins, souvent très éloignés de l’intrigue principale d’Infinite Crisis. À noter toutefois que j’ai plutôt apprécié le Green Lantern Corps : Recharge, mené tambour battant par Geoff Johns et Dave Gibbons au scénar’, avec le fantastique artiste Patrick Gleason (Batman & RobinSuperman…) qui signe les planchesA contrario, Le retour de Donna Troy m’a plutôt ennuyé tant il se perd dans son panthéon grec cosmique, malgré des pointures telles que Phil Jimenez à l’écriture, José Luis Garcia-Lopez et surtout l’iconique George Perez au dessin.

Et nous arrivons enfin (ouf !) à la série principale Infinite Crisis : 7 épisodes orchestrés par le prolifique Geoff Johns (Flashpoint, Green Lantern, Justice League, Doomsday Clock… faut-il encore le rappeler ?), et magistralement mis en image par Phil Jimenez (Wonder Woman, Spider-Man…), accompagné pour certains épisodes par Jerry Ordway, monsieur George Pérez, ainsi qu’Ivan Reis. Le #1 fait un court récapitulatif des événements qui se sont déroulés dans les différents préludes, puis on plonge direct dans l’intrigue. Tout est dans le titre de l’event, nous avons affaire ici au rejeton modernisé du fameux Crisis on Infinite Earths de 1985, dont on retrouve plusieurs protagonistes principaux. Bref, rien que pour la fibre nostalgique, ça fonctionne immédiatement. Comme son aîné, Infinite Crisis foisonne de personnages, avec le Multivers en toile de fond. Par conséquent, la narration est parfois un peu fouillis pour replacer tout ce joli monde dans son contexte, mais elle fourmille de bonnes idées, prétexte à des scènes d’action épiques.

Malgré tout, il s’agit pour moi de la moins réussie des crises DC des années 2000, même si ça reste au-dessus de nombreux events, notamment les plus récents. Les débuts sont prometteurs, mais sur la longueur, les enjeux se diluent dans la multitude d’histoires annexes et n’ont finalement pas complètement répondu à mes espérances. Je conseille donc de se focaliser plutôt sur l’histoire principale, en piochant ça et là parmi les récits annexes qui vous intéressent. À mon sens, Countdown to infinite Crisis et OMAC Project sont les seules véritables préludes à lire absolument avec Wonder Woman (v2) #219, pour le final du crossover Sacrifice.

Enfin, concernant le format de lecture, Urban propose la totalité de ces albums pour moins de 140 €. Cela représente une somme importante quand on se lance dans une nouvelle série, mais c’est tout à fait correct au vu de la qualité éditoriale : celle de l’objet bien sûr (couverture, papier…), mais aussi le contenu additionnel comme des clés de décryptage de l’oeuvre. Aussi, les anciennes éditions par Panini restent un bon compromis, même si on peut regretter la qualité du papier qui ne vieillit pas très bien dans les big books, ainsi que le contenu éditorial un peu chiche.

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Pour la petite histoire : Comme souvent, les auteurs ont utilisé des pirouettes scénaristiques pour justifier les incohérences historiques dans la continuité DC. Sans dévoiler un point important de l’intrigue, on voit à plusieurs reprises des éclats de verre qui symbolisent des pans de réalités différentes, avec par exemple les différentes origines de la Doom Patrol, la disparition de la Légion des Super-Héros ou encore la résurrection de Jason Todd dans une planche d’Infinite Crisis Secret Files. Et comment ne pas parler de ce petit clin d’œil savoureux, cette fois-ci dans le numéro 5 de la série principale, où l’on voit Superman qui soulève une voiture et l’utilise comme pilon sur son adversaire, reprenant la pose de la couverture de Action Comics #1 de 1938 en mode bourrin. Jubilatoire !

 

Ma note : 3,5

 

Je lis ça en écoutant : En référence aux fameux éclats de verre, le titre « Like Eating Glass » des britanniques Bloc Party, extrait de leur premier LP Silent Alarm sorti en 2004 et accessoirement l’un des meilleurs albums rock de tous les temps (oui, rien que ça), dont une version live est parue cet été à l’occasion de ses 15 ans.