[review comics] Green Lantern – Emerald Twilight

emerald_twilight_20200327_retoucheeDans quel format je lis ça : En album relié, sorti par Urban Comics ce mois-ci juste avant le confinement, dans leur nouvelle collection DC Confidential. Il contient les épisodes Green Lantern (v3) #48 à 55, ainsi que #0 et #78,  publiés de 1994 à 1996 aux États-Unis par DC Comics. À noter qu’il s’agit de la seule et unique édition française et que le TPB américain, intitulé Emerald Twilight/New Dawn, ne comportait pas les deux derniers chapitres. Passionné par cet univers cosmique, j’avais lu les single-issues en dématérialisé il y a quelques années. Comptant profiter d’un voyage l’été dernier pour écumer les comic-shops de Londres afin d’y dégoter les fascicules V.O., j’étais malheureusement rentré bredouille (comprendre avec plein d’autres trucs, au point de dangereusement compromettre le poids de mon bagage cabine). Imaginez donc à quel point j’étais au taquet de pouvoir trouver l’album dans les étals de nos libraires !

Des prérequis ? Autant le dire tout de suite, cet ouvrage n’est pas vraiment adapté pour quelqu’un qui n’aurait jamais ouvert de comics Green Lantern. Il est même plutôt exigeant en terme de références. Avant de vous lancer dans cette oeuvre-clé du Dark Age (post-Crisis on Infinite Earths), je conseille vivement de lire au moins La mort de Superman, car Emerald Twilight reprend exactement là où on a laissé Hal Jordan à la fin de l’événement consacré au trépas du Kryptonien.

Avec quelques bases sur l’univers des GL, c’est encore mieux. Oui, même le film ça fait l’affaire. Bon idéalement, les origines de Jordan dans la continuité post-Crisis sont décrites dans l’arc narratif Emerald Dawn de 1989, mais il n’est pas encore édité en VF. Pour les plus complétistes, Showcase #22 de 1959 permet d’apprécier la toute première apparition d’Hal dans le costume du flic galactique. On peut trouver ce  numéro en VF dans l’album Le meilleur des super-héros tome 15 : Green Lantern – Origines Secrètes publié par Eaglemoss, ou bien dans le kiosque Green Lantern saga #30 édité par Urban. Il se pourrait d’ailleurs que j’en fasse gagner quelques exemplaires dans un très prochain jeu-concours… Guettez @Secteur2814 sur les réseaux sociaux ! Pour revenir aux fondamentaux, vous pouvez aussi dévorer Geoff Johns présente Green Lantern tome 0 – Origines secrètes, réimprimé récemment dans l’intégrale tome 3. Bien qu’il soit sorti plus de 10 ans après, il reprend de façon magistrale la plupart des éléments fondateurs du Corps émeraude.

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Enfin, pour l’avant-dernier chapitre (GL #0), la lecture de Zero Hour me semble quasiment obligatoire pour la compréhension du nouveau statu-quo. Résumé en une page dans le présent tome, cet event a été édité en VF dans l’album Heure Zéro – Crise temporelle chez Semic, mais n’est jamais ressorti chez nous depuis. Il faut cependant souligner le taf éditorial d’Urban qui replace chaque chapitre dans son contexte en expliquant quand il se déroule et qui sont les protagonistes. Donc pas de stress, il est toujours possible de raccrocher les wagons après.

 

Le pitch : L’histoire débute avec un Hal Jordan grisonnant, tête basse, le bras en écharpe, à genoux au milieu du cratère où se trouvait sa ville, Coast City. Effondré, le Green Lantern le plus célèbre du roster DC se met en tête de recréer l’agglomération et tous ses habitants à l’aide de son anneau de pouvoir. Mais pour cela, il lui faut de l’énergie. Beaucoup d’énergie. Sombrant petit à petit dans la folie, sa quête va le pousser en direction d’Oa, planète des Gardiens de l’univers qui hébergent la batterie principale alimentant les anneaux de tous les membres du Corps.

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Ce que j’en ai pensé : Assez décousu de prime abord, cet album compile en réalité un ensemble d’épisodes écrits par Ron Marz (Silver Surfer, Thor…) et dessinés par Darryl Banks (Legion of Super-Heroes, Doc Savage…), aux côtés de quelques autres artistes. Le scénario n’est pas renversant, mais a changé un paquet de choses en terme de continuité de l’univers DC. La partie graphique fait le job, même si quelques imperfections sautent au visage. Surtout au visage des personnages d’ailleurs, qui sont parfois peu reconnaissables d’une case sur l’autre. À noter en revanche une traduction au poil par Edmond Tourriol, dont je guette le nom dans les crédits de chaque parution depuis sa participation au podcast Superfriends de Comicsblog, avec son acolyte Stephan Boschat du Studio Makma, lettreur qui bosse sur quantité de titres Urban.

Vous l’aurez compris, le véritable intérêt de ce titre réside moins dans les intrigues que dans l’héritage qu’il a laissé aux comics, et même au-delà. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi, avec quelques clés de décryptage, arc par arc :

 

« Crépuscule » (GL #48-50)

Le premier chapitre présente le défenseur du Secteur 2814 qui fait face à ses démons au sens propre, vu qu’il matérialise ses proches décédés sous forme intangible à l’aide de son anneau. On ne va pas se mentir, cette ouverture s’appesantit sur le deuil d’Hal Jordan. Mais bon, ça se comprend un peu, vous imaginez si Gotham ou Metropolis avait été rasée ? Pas moyen de régler ce cas de conscience en quelques cases seulement. Très christique, Hal se confesse à ses « apparitions » et le parallèle est poussé jusqu’à présenter notre héros les bras écartés sur une croix de lumière verte.

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En route vers Oa, il va croiser tour à tour la plupart des Lantern de ses débuts : Sinestro, Kilowog, Tomar-Tu (dont je vous ai déjà un peu parlé ) ou encore Boodika qui sera plus tard recrutée par les Gardiens pour devenir une Alpha Lantern, la police des polices du GL Corps lors du run de Geoff Johns. En résumé, ces trois premiers épisodes se révèlent indispensables pour tout fan de DC, car ils définissent le futur de Jordan, avec des répercussions à l’échelle du multivers observables dans Zero Hour, Final Night et surtout Le retour d’Hal Jordan. Il est d’ailleurs encore régulièrement fait allusion à son pétage de câble dans les comics récents. Ouep, même dans l’actuelle ère Rebirth.

 

« Nouvelle aube » (GL #51-55)

Là-encore, une étape importante dans la mythologie des Corps stellaires, car il s’agit de la première apparition de Kyle Rayner, quatrième Terrien à porter l’anneau après Hal Jordan, Guy Gardner et John Stewart. Plutôt plaisante, même si assez simpliste dans sa construction, cette véritable origin-story nous permet d’assister aux différents stades de la découverte des pouvoirs du jeune Rayner. Toutefois, contrairement aux autres Lantern, il doit se débrouiller sans le soutien des Gardiens ni des autres gars en vert. Très Spider-Man dans l’esprit, on perçoit son côté léger et insouciant, fonçant tête la première dans les idées préconçues sur les artistes (le type est dessinateur de métier).

On notera cependant le manque d’imagination du bonhomme – le comble pour un dessineux – quand, par deux fois dans l’album, il génère avec son anneau exactement la même construction ferroviaire pour se sortir d’affaire… Rayner se verra plus inspiré (ou pas) pour la genèse de son nouveau logo et de son propre costume (avec ce satané masque !).

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« Secondes chances » (GL #0)

Plutôt intéressant, ce chapitre nous montre enfin ce que deviennent Hal et Kyle quand ils disparaissent au cours de l’event Zero Hour. On assiste à une véritable confrontation « prédécesseur versus successeur » qui ne sera pas sans conséquences pour la base sidérale du Secteur 0.

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« Un commencement » (GL #78)

Plus anecdotique, cette tranche de vie sert davantage à asseoir Kyle dans son rôle et dans sa relation avec Donna Troy. L’Amazone en grandes formes et maillot de bain taille XS témoigne d’ailleurs de l’hypersexualisation des personnages féminins typique des 90’s. N’en étant pas vraiment à leur coup d’essai, les artistes avaient déjà frappé, plus tôt dans l’album, avec une Alexandra DeWitt en sous-vêtements ou matérialisée par l’anneau du jeune Lantern en mode playmate, prouvant qu’elle porte le trikini bien mieux que Borat.

 

Par ailleurs, en fil rouge sur l’ensemble du bouquin, on peut applaudir l’exercice de style de l’équipe créative qui propose de nombreux parallèles entre Jordan et Rayner :

  • On croise leurs petites amies respectives qui se trouvent être fondamentales dans la construction de leur personnalité et de leurs choix futurs. Je reviendrai plus en détail là-dessus à la fin de l’article (#teaser) ;
  • Kyle est très porté sur les punchlines humoristiques, comme le Hal des débuts. Cette caractérisation changera plus tard dans les comics, où Rayner deviendra plus réfléchi, plus profond, quand Jordan se cantonnera au rôle d’éternel rebelle ;
  • Ils génèrent chacun avec leur anneau une scène de sauvetage d’un chat dans un arbre, l’un des plus grands clichés sur les héros, renforçant toutefois leur côté humain ;
  • Alors que Kyle teste ses nouveaux pouvoirs, il fait une vanne sur le fait de générer un gant de boxe géant, clairement la marque de fabrique d’Hal ;
  • Les couleurs jaune/orange et mauve/violet utilisées pour le design de Mongul et Major Force, les antagonistes de Rayner dans cet album, sont très proches de celles constituant la palette graphique appliquée à Sinestro quand il portera l’anneau de Yellow Lantern. Et faut-il encore rappeler que le Korugarien moustachu est le meilleur ennemi de Jordan ?

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Pour conclure, il s’agit pour moi d’un album capital, mais surtout destiné aux aficionados de la firme à deux lettres. Je m’interroge encore sur son accessibilité à une personne qui débuterait l’univers de Green Lantern. Pourquoi par exemple ne pas avoir intégré ces histoires dans une belle publication de Zero Hour, comme l’a proposé l’ami  dans le podcast La Rubrique Geek ? Ou bien pourquoi ne pas avoir compilé au sein d’une intégrale tous les récits « emerald » : les deux Emerald Dawn, Emerald Twilight et son successeur Emerald Knight ? On notera aussi deux points d’intrigue auxquels nous n’aurons finalement pas de réponse dans l’album : ***spoiler alert*** 1) Qui sont ces types à lunettes noires fomentant l’intervention de Major Force ? Et 2) Quelle est cette lumière jaune intrigante qui sort de la batterie de Kyle quand il quitte son appartement dans le dernier chapitre ?

Malgré tout, j’ai relu cet album avec un plaisir non dissimulé, surtout avec cette belle édition. L’objet est en effet agrémenté, en plus des résumés contextuels cités plus haut, de l’habituelle présentation des personnages et d’une postface de Ron Marz. Je salue aussi le retour de le la fameuse frise chronologique de la collection DC Classique qui m’avait servi de base pour me lancer dans les comics et, il faut bien l’avouer, pour débuter mon propre ordre de lecture à l’origine de ce blog. Au passage, très bonne idée les conseils lecture en dernière page ! Un dernier mot à propos du label (rouge) DC Confidential sur la couverture qui fait débat au sein de la communauté comics. Personnellement ça ne me dérange pas plus que ça. Et j’aime assez les intercalaires classieuses qui reprennent la charte graphique entre les récits. À noter enfin la petite coquille d’impression (GREEEN !) sur le côté de l’album qui lui donne un petit côté unique. Bravo à Rétro Phil qui a eu l’œil, j’étais complètement passé à côté !

 

Pour la petite histoire : Au-delà des éléments précités, le premier arc dédié à Rayner est également célèbre car à l’origine du concept des « women in refrigerators » (ou « femmes dans le frigo ») qui voyait les personnages féminins être cantonnés dans les comics aux rôles d’individus en détresse, dont la mort ne servait qu’à permettre au héros masculin de se construire. Ces décès étaient d’ailleurs souvent définitifs, alors que les mâles qui passaient l’arme à gauche se voyaient quasiment à chaque fois ressuscités, ce qu’on a appelé le principe de la « décongélation des hommes morts ». Au passage, merci au Commis  des Comics grâce à qui j’ai découvert cette anecdote assez marquante qui a fini par dépasser le microcosme de la BD américaine. En effet, à l’époque, l’autrice Gail Simone (Secret Six, Birds of Prey…) a co-établi une liste des œuvres qui utilisaient ce ressort scénaristique discutable et l’a publiée sur son site web nommé Women in Refrigerators, acquis à la cause féministe. Plus d’infos ici.

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Ma note : 4

Je lis ça en écoutant : Un album de Nine Inch Nails ? Ce serait logique vu qu’on trouve quand même deux références explicites dans la BD : une inscription sur un tee-shirt de Kyle et une allusion à la durée de l’un de leurs morceau. Mais n’étant pas spécialement client de la bande de Trent Reznor (qui a pourtant signé la fabuleuse B.O. de la série Watchmen), je choisis de n’en garder qu’un bout pour jeter plutôt mon dévolu sur l’album Nail Yourself to the Ground de Small Brown Bike, autre groupe du Midwest, mais plus branché emo punk que metal indus. Et pour boucler la boucle, en clin d’œil à l’obsession du nouveau Green Lantern, j’opte pour le titre Trains All Talk.

9 commentaires

  1. Je lui met 4/5 également. Pas pour l’histoire non car c’est pas très recherché. Mais pour l’impact, le choc engendré en tournant chaque pages. On y compte les morts comme dans GoT. Je ne parle même pas de l’impact et la polémique que le comics à crée à l’époque de sa sortie !

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