[review comics] Batman Rebirth tome 5 – En amour comme à la guerre

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Dans quel format je lis ça : Cet album sorti chez Urban Comics en septembre 2018 regroupe en réalité 2 arcs narratifs distincts ainsi qu’une histoire de complément, parus de décembre 2017 à mars 2018 au US dans la série Batman (v3) :

  • Les #33 à 35 constituent l’arc The rules of engagement
  • Les #36 et 37 forment le récit Superfriends
  • Le #38 s’intitule The Origin of Bruce Wayne

Ces histoires ont également été publiées dans nos chers kiosques Batman Rebirth #17 à 19.

Des prérequis ? Comme d’habitude un petit résumé en début de tome permet une compréhension facile du contexte, même si l’on a pas suivi les récits parus précédemment. Toutefois, avoir lu la fin du run de Grant Morrison peut aider à saisir les enjeux du premier arc, de même que les albums précédent de la série Batman Rebirth. Les arcs We Are Robin et Robin War de la période DC You peuvent également donner des clés pour mieux appréhender la relation entre les porteurs successifs du masque de Robin. Enfin, concernant la dernière histoire, n’importe quel aperçu préalable du criminel Zsasz peut faire l’affaire, que ce soit dans les comics, dans le jeu vidéo Arkham City, voire même dans la série Gotham.

Le pitch : Le premier récit emmène Batman et Catwoman dans le désert, loin de leur milieu urbain habituel, pour une quête qui fait directement suite à l’intrigue du tome 3. Le second arc propose un exercice de style sur la relation compliquée entre Bruce Wayne et Clark Kent une fois la cape mise de côté, de la difficile annonce d’une nouvelle personnelle, jusqu’à un improbable double rencard avec les femmes qui partagent alors leurs vies : Selina Kyle et Lois Lane. Enfin, la petite histoire finale est un peu à part, suivant la trajectoire d’un enfant de la haute société gothamite, en marge de meurtres pointant vers l’excité du couteau Victor Zsasz.

Ce que j’en ai pensé : Le scénariste Tom King poursuit son approfondissement de la mythologie du Chevalier Noir dans le cadre de l’ère Rebirth, ayant clairement annoncé qu’il souhaitait produire un run d’au moins 100 numéros sur Batman. Contre toute attente, j’aime de plus en plus ce qu’il propose. Après deux premiers tomes qui n’avaient pas réussi à me convaincre, on retrouve ici le meilleur de ce qui a constitué le tome 3 : une histoire avec de véritables enjeux et des moments savoureux du quotidien des super-héros.

Le Batman du désert qui ouvre l’album se situe quelque part entre la version du comics Année un de Scott Snyder/Greg Capullo et celle du cauchemar avec les Paradémons dans le film Batman v Superman : L’aube de la justice. Bref, même si cela change des ruelles sombres de Gotham City, l’auteur continue de rattacher son personnage à l’ensemble de la mythologie et nous n’avançons donc pas totalement vers l’inconnu.

Dans ce cadre, le tour de force de King va être d’approfondir la relation amoureuse entre Bruce et Selina en y apportant une forme de poésie, mais sans jamais tomber dans le pathos. Malgré des sentiments qui se dévoilent désormais de façon évidente, leurs réactions aux épreuves qui se dressent devant eux les ramènent en permanence à leur nature profonde d’êtres conditionnés par leurs vies jonchées de quêtes plus violentes les unes que les autres.

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L’autre grand point fort de cette édition reliée réside dans l’intérêt de voir la plupart des personnages dans leur quotidien, sans costume, à commencer par les différents Robin. Comme au début de l’arc I Am Bane (tome 3) avec sa scène du fast-food digne des meilleurs comédies – qui a dit que DC ne proposait que des choses sombres ? – on retrouve cette fois-ci Dick Grayson, Jason Todd, Damian Wayne et Duke Thomas dans le salon du manoir, en pleine discussion avant que le majordome Alfred Pennyworth leur fasse l’annonce d’une décision inattendue prise par leur mentor.

Et la Bat-Family n’est jamais aussi passionnante qu’au travers du développement des relations entre ses membres, avec des dialogues tout bonnement jubilatoires : comme à son habitude, Dick joue pleinement son rôle de grand frère face à un Duke qui cherche encore sa place, le cynisme de Damian l’oppose en permanence au ton provocateur de Jason, et Alfred fait mine d’arbitrer les débats, avec son flegme british si caractéristique.

L’auteur y va même de son hommage au run de Grant Morrison, faisant le focus sur le tandem Dick/Damian le temps d’un échange verbal, nous rappelant l’alchimie qui se dégageait de leur Dynamique Duo à l’époque où ils avaient dû prendre les masques de Batman et Robin.

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Le dessin et l’encrage sont jusque-là confiés à l’artiste Joëlle Jones qui fait des merveilles, de la caractérisation des visages jusqu’aux scènes de combat dantesques, notamment sur de magnifiques splash-pages lors des combats menés par Batman et Catwoman dans le désert.

Changement d’artiste pour le second arc : au dessin Clay Mann souffre un peu de la comparaison avec Jones, même si ses mises en page sont agréables, le trait est moins précis, moins efficace, notamment sur la façon de dessiner les visages. Mais cela ne gêne  en rien le plaisir pris à poursuivre le récit.

L’auteur Tom King continue en effet son exercice de style, mettant en parallèle et en opposition le flirt Bruce/Selina d’un côté et le couple marié Clark/Lois de l’autre, démontrant le profond respect « professionnel » que les deux hommes ont l’un pour l’autre, mais leur immense difficulté pour exprimer l’amitié qu’ils ressentent. La suite fait la part belle au comique de situation, après que les deux couples se voient refuser l’entrée au motif qu’ils doivent être déguisés… en super-héros ! Cela donne des scènes savoureuses et complètement inhabituelles entre l’optimiste Clark et le taiseux Bruce, à travers les yeux amusés de leurs compagnes.

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Le petit récit qui clôture le tome ne m’a pas marqué plus que ça, probablement un peu de remplissage pour arriver à l’arc suivant. À noter, encore un changement de dessinateur pour ce numéro, avec l’implication cette fois-ci de Travis Moore.

En résumé, les histoires qui constituent cette édition reliée ne sont pas bouleversantes d’inventivité, mais elles sont très plaisantes à parcourir. Je conseille donc vivement ce tome, surtout qu’Urban a choisi de mettre en couverture une version alternative dessinée par le talentueux frenchie Olivier Coipel, comme celle d’ailleurs de la version couleur de  l’album Batman – À la vie à la mort, édité parallèlement en version noir et blanc à l’occasion du Batman Day 2018.

Pour la petite histoire : Au détour de la fête foraine, on aperçoit une pile de jouets à l’effigie de Mister Miracle, clin d’œil appuyé au personnage sur lequel King a produit une maxi-série remarquée dont la publication en VF est prévue pour fin mai par Urban.

Ma note : … 4,5

Je lis ça en écoutant : Le screamo des Californiens de Loma Prieta avec leur album Self-Portrait introduit par le sculptural morceau Love. L’emo-violence comme compromis entre l’amour et la guerre…